Paru dans Livres Hebdo, le 29 novembre 2019

 

« Rejaillir le feu : Pascale Roze s'intéresse au destin d'une femme qui ose un dernier amour

Hélène Bourguignon est une « senior » de 64 ans. Elle est mère d’une fille, Lou, grand-mère d’une petite Juliette. Et veuve deux fois. De Xavier, son premier mari, un soixante-huitard qu’elle a quitté puis divorcé en 1989. Et Laurent, un écrivain dont elle a été d’abord le « nègre », et qu’elle a aimé jusqu’à la fin. Depuis, elle n’a pas « refait sa vie », selon l’expression consacrée. Sans doute parce que, se rend-elle compte tout à coup un jour d’introspection, au moment où elle vient de rencontrer un autre homme qui lui plaît, elle n’a jamais fait confiance à personne. Celui-là, Jean, un juge à la retraite en Corse, rencontré dans un dîner chez une de ses amies, parviendra-t-il à vaincre les barrières qu’elle s’est mises elle-même, à la persuader qu’il n’est pas trop tard, qu’elle a le droit d’être heureuse à nouveau, même quelques années ? 
À faire « rejaillir le feu » de la passion en elle.

Hélène, auteure de deux romans dont Les bonheurs de Sophie (paru en 2000), a tendance à tout intérioriser, à tout analyser. Double déformation professionnelle. De romancière, et d’enseignante : depuis quatre ans, elle est professeure à Sciences Po, animatrice d’un atelier littéraire. Cette année, il est consacré à la nouvelle. En disséquant des textes du hippie Richard Brautigan, mais aussi de Buzzati, Yasmina Reza, Musil, London ou Tchekhov, elle les conduit à s’interroger sur eux-mêmes, et, partant, elle remet en question sa propre création. Sous son apparente froideur, Hélène aime ses étudiants, qu’elle considère comme de jeunes « poulains » qui s’ébattent dans le champ infini de la littérature. On sent, lorsqu’elle les interroge puisque le lecteur la suit dans son quotidien durant tout un semestre en 2018, de la tendresse, notamment envers une certaine Marion : rebelle, agressive, mais aussi brillante et qui dissimule un joli secret que sa prof finira par pressentir, découvrir.
La belle Hélène est un roman modeste, intimiste, qui progresse à petits pas, par petites touches, au présent de narration et sans grands effets de style. Banal, peut-être, mais comme la vie elle-même. Réaliste en tout cas, et qui s’achève sur une note que l’on veut croire optimiste : un avenir. »

(Jean-Claude Perrier)